Dans ma jeunesse, j’ai eu la chance de découvrir la Cantique de Jean Racine, Op. 11, par Gabriel Fauré, quand je l’ai chanté dans le chœur de mon école à l’âge de 16 ans. C’est une pièce sublime. Ça élève l’esprit. Et presque 50 ans plus tard, je reviens à apprécier le verbe mais dans un tout autre contexte. Je vous invite de l’écouter ici :
Dans beaucoup d’écoles, le sujet de l’orthographe et la grammaire est bien épineux. Qu’importe d’écrire sans faute, demandent certains, en vantant les plaisirs des vidéos, la variété des émojis et des émoticons et le déferlement des images. Avec l’âge, on pourrait imaginer que c’est une pensée arrière garde que de vouloir rester vigilant sur l’orthographe. On pourrait en effet me traiter de traditionaliste, à vouloir conserver les dictées, le vouvoiement et le subjonctif. Mais, le fait est que beaucoup de notre vie moderne — qui concerne donc les jeunes générations — est soutenu par le mot. Ce n’est pas sans ironie que je constate que Fauré n’avait que 19 ans quand il a écrit cette œuvre magnifique.
Mais pourquoi compte-t-il tant le mot (et l’orthographe) aujourd’hui ?
Autant je n’étais pas un étudiant hautement doué à faire les dictées avec mon français approximatif dans ma jeunesse, autant j’ai toujours apprécié une belle écriture. Après tout, ma matière principale à l’université était la Littérature. Mais aujourd’hui, sans rentrer dans les polémiques du genre des genres ou la beauté des irrégularités, le pouvoir du mot reprend le poil de la bête. A l’instar du film « Le Brio, » (titre raté, je trouve), réalisé par Yvan Attal et avec Daniel Auteuil dans le rôle principal de Professeur Pierre Mazard, on voit un traitement sensible et sensé sur le pouvoir du mot. Comme le dit Serge Gainsbourg dans les premiers clichés du film, « ce sont les mots qui véhiculent l’idée et non pas l’idée qui véhicule le mot. » Dans un monde où on est en train de neutraliser le genre, de censurer des thèmes entiers et de se contenter d’une communication dépourvue de profondeur — avec en parallèle ou peut-être en conséquence des problèmes de santé mentale accrus — nous vivons une période de crise de sens. Et quoi de plus ironique que le manque de sens dans nos mots.
Les mots sont encore la base de la technologie moderne…
Malgré la pléthore de vidéos existantes et qui sont téléchargées à chaque minute, elles doivent passer par un codage écrit en mots et qui ont besoin d’être taguées et transcrites par du texte pour être répertoriées sur l’internet. Comme tout programmeur le sait, le code doit être précis. Il ne déroge pas de la ligne droite. Quand on briefe une agence ou donne des instructions, les mots choisis indiquent le sens. L’articulation d’un brief bien écrit est fondamentale pour le succès de la création. Gainsbourg l’a dit vrai. Dans une entreprise, on sait combien la communication est clé. C’est l’élément vital d’une organisation, que ça soit une ONG, les militaires ou une entreprise à but lucratif. La communication passe par les mots, tout comme une culture est formée par son langage, ses rites et ses comportements. Le progrès de notre civilisation repose sur l’intelligence – et la compréhension mutuelle – de notre langue. Et avec l’artifice de l’intelligence créé par les machines, nous pouvons sûrement observer à quel point le sens du mot est au cœur de l’IA. Conservons alors la valeur et le poids du mot juste.