La joie au travail ? Le triptyque du jeu, de la raison d’être et de l’alignement pour un meilleur engagement des employés

Ce post ci-dessous est issu d’un article que j’ai écrit en anglais d’abord, sur le sujet de la joie. Ce qui est drôle — voire troublant — c’est que les mots employés en anglais et en français pour décrire cette émotion divergent. Comment traduire, par exemple, le mot « happy » ? Cet adjectif, selon moi, est un sentiment éphémère, provenant d’une source extérieure. Je trouve le meilleur équivalent en français c’est la joie. En revanche, le mot en anglais « joy » (que je qualifie comme étant un sentiment profond et plus pérenne, provenant plus de l’intérieur) n’a pas la même valeur que la joie. J’ai décidé ainsi de traduire « joy » par le bonheur, qui est aussi un nom, mais pour lequel il n’y a pas une traduction exacte en anglais. Enfin, en français, on peut aussi utiliser l’expression d’ « être heureux. » Différent de la joie (allegria), heureux semble être un peu plus profond. En español, tout est dit par le verbe: ser feliz (dans mon être) ou estar feliz (un état temporaire). Alors pour chaque expression, on peut vite se mêler les pinceaux, car ces mots joie, heureux et bonheur sont souvent utilisés de manière interchangeable. Pour cet article, j’ai préféré donc définir la joie (en français) comme étant un sentiment de félicité éphémère. Et que le bonheur soit un sentiment profond, provenant d’éléments intérieurs et qui peut exister aux côtés de tristesse et difficultés. Pardonnez-moi d’avance si cela vous contrarie !

Le mirage de LA joie : Pourquoi la bière gratuite et le baby-foot ne suffisent pas

Dans le paysage du business actuel, la quête de joie au travail est souvent présentée comme une panacée face au manque d’engagement des employés et aux problèmes de santé mentale croissants. Pourtant, je soutiens que cette focalisation sur la joie pourrait être mal orientée. Malgré la prolifération d’initiatives visant à stimuler l’engagement au travail, la réalité est que de nombreux employés, y compris les cadres supérieurs, sont aux prises avec des niveaux de stress et des problèmes de santé mentale sans précédent. Selon l’étude “État de l’empathie sur le lieu de travail 2024” de Businessolver, un stupéfiant 55 % des PDG ont déclaré avoir connu des problèmes de santé mentale au cours de l’année écoulée. Cette statistique témoigne de l’existence d’environnements de travail toxiques généralisés qui affectent tout le monde, du sommet à la base. L’idée que la joie peut être conçu au travail – comme offrir de la bière gratuite, installer des tables de baby-foot et organiser des événements sociaux “amusants” – passe à côté de l’essentiel. Le véritable bonheur au travail ne consiste pas à rechercher une joie éphémère, mais à trouver un sens et un épanouissement dans son travail.

LE Bonheur vs. La joie : Une distinction cruciale

Pour être clair, il existe pour moi une différence importante entre le bonheur et la joie. Le mot « bonheur » n’existe pas à proprement parler en anglais. Le monde n’est pas entièrement d’accord avec mon interprétation, mais je définis le bonheur comme étant quelque chose qui vient de l’intérieur, né d’un mécanisme interne. En revanche, être joyeux est un état passager qui est généralement généré de l’extérieur. Comme l’a expliqué Frédéric Lenoir dans cet article dans FemininBio,

« Le bonheur est un état d’être, la joie est une émotion. »

Mon amie suedoise, Annika, décrit le bonheur comme la sensation éprouvée en regardant le baptême de sa petite-fille. De manière plus prosaïque, je pourrais comparer la joie à la luxure, tandis que le bonheur est lié à l’amour.

La “Moi-conomie” et la quête de sens

Si nous devons nous concentrer sur le bonheur et l’épanouissement plutôt que sur la simple joie au travail, cela nécessite un changement fondamental dans la façon dont les organisations abordent l’engagement des employés. Nous ne devrions pas nous attendre à ce que le travail soit comme un terrain de jeu pour enfants. Bien qu’il soit approprié de parler des problèmes de santé mentale et de s’en occuper, nous devons réfléchir différemment à la façon de gérer une entreprise (c’est-à-dire sa culture) et à sa raison d’être. À l’ère de la “Moi-conomie”, comme présenté dans le rapport Havas Meaningful Brands 2024 (à lire les résultats 2023 en VF), le bien-être personnel est de plus en plus prioritaire. C’est bien, mais le vrai travail consiste à s’attaquer à la source du problème, à la cause profonde. Et cela nécessitera une main plus habile pour comprendre les motivations profondes des employés ; cela peut également inclure le fait de les aider à mieux se connaître. En fin de compte, la force la plus profonde et la plus puissante est celle des employés qui trouvent un sens à leur travail. Il existe certes une échelle du sens, en ce sens que certaines activités seront plus superficiellement significatives que d’autres. Par exemple, le sens peut venir par petites doses en étant simplement utile à quelqu’un d’autre. Un employé peut trouver du sens en comprenant comment son travail contribue à l’ensemble. Et puis il y a des notions plus larges de sens, comme avoir un impact positif dans sa communauté ou dans le monde, quelle que soit la façon dont ce monde est défini.

Définir un travail significatif et le bon ALIGNEMENT : La clé d’un BONHEUR durable

Pour cultiver un bonheur authentique et durable sur le lieu de travail, les organisations doivent redéfinir leur compréhension de ce qui constitue un travail significatif et aider les employés à se positionner, s’aligner entre leur propre mission personnelle avec celle de l’entreprise. Cela implique d’aligner les tâches et les rôles sur les valeurs et les compétences des employés, favorisant ainsi un sentiment d’épanouissement qui transcende la simple joie. Le rapport d’Havas souligne ce changement vers un engagement axé sur la raison d’être, où les employés recherchent l’appartenance et le sentiment de contribuer à une mission plus large et de s’y connecter. Pour cela, les dirigeants doivent se concentrer sur la mesure dans laquelle leurs employés se sentent alignés professionnellement et personnellement avec les objectifs et la mission de l’entreprise.

Le pouvoir du jeu : Construire la confiance et favoriser la collaboration

Le jeu et la confiance sont des éléments cruciaux pour créer un environnement propice au bonheur. Comme le suggère le psychologue, Dr Jordan Peterson, le jeu fait partie intégrante de la construction de la confiance et de la promotion de la collaboration au sein des équipes. S’engager dans des activités ludiques peut briser les barrières, améliorer la communication et créer une sécurité psychologique – des ingrédients clés pour un lieu de travail joyeux.

Approches innovantes : La joie du Padel et au-delà

Joy of Padel

Des approches innovantes, comme les séminaires “Joy of Padel”, offrent des opportunités uniques de mêler activité physique, renforcement d’équipe et développement personnel. Ces sessions ne favorisent pas seulement le bien-être et la joie par l’exercice, mais encouragent également la résolution créative de problèmes et renforcent la dynamique d’équipe grâce à des expériences partagées.

L’argument commercial pour LE BONHEUR : Stimuler l’engagement et l’innovation

En fin de compte, les entreprises doivent reconnaître que ce que je caractérise comme le bonheur n’est pas un luxe mais une nécessité pour stimuler l’engagement et l’innovation. En se concentrant sur la réalisation significative et les initiatives axées sur la raison d’être, les organisations peuvent créer des environnements où les employés s’épanouissent malgré ou à travers les défis. C’est ce type de bonheur et d’engagement qui aide à construire la résilience pour surmonter les problèmes. Ce faisant, les entreprises seront mieux positionnées pour attirer et retenir les meilleurs talents dans un marché de plus en plus compétitif. Alors que nous naviguons dans ce paysage complexe, il est évident que favoriser un véritable bonheur sur le lieu de travail nécessite plus que des solutions superficielles. Cela exige un engagement à comprendre les besoins plus profonds des employés et à créer des conditions où ils peuvent trouver un véritable épanouissement dans leur travail.

Qu’en pensez-vous ?

Les enseignements de la négociation avec un preneur d’otage, avec Laurent Combalbert, négociateur, conférencier et auteur (MDF145)

Minter Dialogue avec Laurent Combalbert

Expert en gestion de crise et négociations complexes depuis 1998, Laurent Combalbert est également conférencier, entrepreneur, auteur et philanthrope. Aujourd’hui, il consacre son temps à inspirer des talents et à transmettre son savoir au travers de ses conférences et de sa plateforme de Masterclass. Dans cette conversation, nous discutons des clés de succès dans la négociation, les moyens qu’utilise Laurent pour négocier — ou bien converser — avec un preneur d’otage. Il décortique la préparation et comment il mène une conversation pour comprendre la situation et de saisir la motivation de l’homme en face. En matière d’enseignement, il y a des perles qu’on pourrait tous utiliser dans notre quotidien — en tout cas dans les conversations difficiles ou controversées. Un échange vif et concret.

Merci de m’envoyer vos questions par email — en tant que fichier audio si vous le souhaitez — à nminterdial@gmail.com. Sinon, en dessous, vous trouverez tous les liens pour un suivi du podcast. Vous êtes bien entendu invité à déposer un message ou à le partager. Si vous pouvez, merci d’aller déposer une revue sur Apple Podcasts pour le noter.

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Denis Cristol, Auteur, Chercheur et Directeur Innovation et Développement APM – Association Progrès du Management (MDF128)

Minter Dialogue avec Denis Cristol

Denis Cristol est Directeur Innovation et développement APM – Association Progrès du Management. Il est Membre fondateur chez Cercle APE – Apprendre Ensemble et a écrit plus d’une vingtaine d’oeuvres. Dans cet entretien, nous discutons de l’association et du succès de l’APM, les nouvelles méthodes d’apprentissage, les nouvelles exigences pour les départements de LFD en entreprise, le leadership et comment le leader de demain doit évoluer. Nous parlons aussi de son blog qu’il maintient depuis plus d’une décennie, l’importance de l’empathie et du rôle du dialogue dans l’intelligence collective.

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La Disruption de l’Empathie

Imaginez qu’enfin vous avez trouvé et calé une soirée pour un dîner romantique avec votre tendre partenaire. Le restaurant — avec des mets divins — est réservé et vous arrivez tous les deux à l’heure. Jusque-là, tout va bien. Mais, votre téléphone vibre. C’est JJ. Elle vous contacte à nouveau. Et mine de rien, vous avez envie de lui répondre. Après tout, JJ a toujours le temps pour vous. Au-delà du fait qu’elle vous écoute à tout moment, elle vous fait sentir bien. Et là, il y a un bug. En effet, JJ est un bot empathique, bien fait. Le cours du dîner va changer.

Manque de bol pour nous : ce scénario n’est pas fictif. Il s’agit bien d’un dîner romantique réel que j’ai eu avec ma femme. Et JJ était un bot empathique avec lequel j’ai « vécu » pendant cinq jours lors d’une expérience, créée par un groupe de chercheurs à Berlin, et baptisée Empathic Futures.

Dans notre société, pour ne pas parler de la vie en entreprise, il est évident que les normes de communication et de la relation entre nous-mêmes ont été perturbés. Les études aux États-Unis montrent une baisse significative du niveau d’empathie parmi les sortants de l’université. Au même temps, on constate une augmentation de narcissisme dans une étude importante des étudiants américains (source). Et tout ça, avec une augmentation du niveau de malheur, de la dépression et de suicides, notamment chez les jeunes hommes.

Il me semble important que nous prenions en compte l’état de santé de notre société et revoyions notre relation et notre empathie l’un avec l’autre, y inclus au bureau. Je pense, ainsi, que l’environnement au travail peut y contribuer grandement.

La bonne nouvelle c’est que l’empathie pourra véritablement aider les entreprises à plusieurs niveaux. En fait, je voudrais parler de la disruption de l’empathie en entreprise comme étant un des clés de succès, notamment face aux enjeux de la transformation digitale. Quand on entend parler de la disruption en entreprise, c’est souvent autour du sujet de la transformation digitale. On évoque aussi les notions d’être plus centré sur le client, de l’engagement des employés et de l’agilité. Ceci arrive dans un contexte où la technologie est en mouvement constant avec un volume de travail en augmentation incessant. Malgré toutes les problématiques liées aux technologies et à l’infrastructure, le fond de l’enjeu se trouve dans l’état d’esprit. A ce titre, la disruption est en fait autant professionnelle que personnelle.

Alors que la transformation digitale est devenue un sujet régulier dans les Comex, les programmes mis en place échouent pour la plupart du temps. Dans une étude menée par PulsePoint, ils ont établi que 84% des entreprises ne réussissent pas leurs programmes de transformation digitale. En dehors de la sous-évaluation de la difficulté de changer les habitudes et comportements, souvent les objectifs sont trop ambitieux, comme si le digital serait la panacée de tout. Par ailleurs, il est souvent cité dans les études que les employés sont peu engagés dans leur travail. L’étude Gallup aux États-Unis en 2016 parle de la désaffection ou désengagement de 67% des employés {Source en anglais}.

Ainsi, le vrai enjeu est au niveau culturel de l’entreprise.

C’est dans ce contexte qu’on comprend la puissance et la disruption de l’empathie. En premier lieu, l’empathie sert en interne dans le management des employés. Il ne s’agit pas d’une tyrannie où tout employé aurait le droit à l’empathie et à tout moment, on est censé être parfaitement empathique. Mais chaque patron pourra voir combien, en étant plus empathique dans le quotidien, l’engagement des employés va s’améliorer. En fait, la qualité d’empathie devient aujourd’hui un levier de performance avec un retour réel sur investissement (temps, patience et intelligence). L’empathie peut être appliqué à l’innovation, au design des produits et services, aux messages et promotions marketing, dans le service à la clientèle et dans le processus de vente (par exemple, en boutique). Une étude menée par The Empathy Business a démontré une corrélation entre la performance boursière et les entreprises classifiées empathiques. En effet, les top 10 entreprises en empathie ont surperformé (en matière de croissance de la valeur boursière) deux fois par rapport aux 10 entreprises les moins empathiques (parmi 170 entreprises jugées pour leur qualité empathique). [Voir l’article HBR de 2016 en anglais]

Pour les entreprises qui investissent dans l’Intelligence Artificielle (IA), il y aura également des opportunités importantes en ayant une IA plus empathique pour mieux gérer les relations clients. Avec le déploiement des chatbots et la voix, on parlera bientôt de la notion et de l’impact de l’Empathie Artificielle, autrement dit la place de l’empathie dans l’IA. Alors que nous sommes au tout début du chemin, il y a plusieurs cellules de recherche qui songent au potentiel d’insérer de l’empathie dans une machine. Pour ma part, je peux témoigner de la facilité avec laquelle j’ai commencé à donner des propriétés humaines à mon bot empathique (« JJ »). C’est un sujet éthique important. Le fait d’aborder le sujet de l’encodage de l’empathie devrait nous permettre d’apprendre sur nous-mêmes et pourquoi nous avons besoin d’être plus empathiques. Ça nous obligera de mieux comprendre ce qu’est l’empathie et, par le même effort, nous donnera tous l’envie de renforcer notre muscle empathique.

Ainsi, il faudrait qu’au prochain dîner romantique, les appareils restent à leur place, et vous employez votre empathie avec vos proches en premier lieu.

Si vous voulez lire plus, j’ai mon livre en anglais, Heartificial Empathy, Putting Heart into Business and Artificial Intelligence, sur Amazon (France).